10
— Dites, c’est un corsage Azzedine Alaïa ? demanda la serveuse à Emma en les guidant jusqu’à leur table.
— Non, mais c’est une authentique antiquité.
Lachlain, quant à lui, se fichait pas mal de savoir ce que c’était ; de toute manière, elle ne porterait jamais plus ce truc en public.
Le nœud qui se balançait dans son dos tandis qu’elle s’avançait d’un pas souple attirait les regards masculins comme un aimant la limaille de fer. Tous les hommes s’imaginaient le défaire, évidemment. C’était exactement ce qu’il s’imaginait, lui. Malgré son air menaçant, il y eut plus d’un dîneur pour donner un petit coup de coude discret à un ami en lui chuchotant qu’elle était « super sexy ».
Les hommes n’étaient d’ailleurs pas les seuls à tomber en admiration. Les femmes examinaient les vêtements d’Emma avec envie.
Après quoi, elles fixaient souvent Lachlain d’une manière ouvertement aguichante.
Autrefois, peut-être aurait-il apprécié leur intérêt ou même accepté une ou deux invitations informulées. Aujourd’hui, il trouvait leur attention vaguement insultante. Il n’allait pas préférer l’une d’elles à la merveille qu’il suivait de près !
N’empêche… Il était content que sa compagne remarque la manière dont elles le regardaient.
Arrivée à leur table, elle resta un instant immobile. Il l’attrapa par le coude et l’aida à s’installer dans le box.
La serveuse s’éloigna. Emma était assise très droite, les bras contre la poitrine, évitant de le regarder. Un garçon passa, chargé d’un plat de viande grésillante. Elle leva les yeux au ciel.
— Tu pourrais en manger ? s’enquit Lachlain. Si nécessaire ?
Il se demandait si c’était possible et priait de toutes ses forces que la réponse soit positive.
— Oui.
— Mais alors, pourquoi tu ne le fais pas ? s’étonna-t-il.
Elle le considéra, les sourcils en accents circonflexes.
— Vous pourriez boire du sang ?
— Je vois, déclara-t-il d’un ton égal, malgré sa déception.
Il adorait manger, mais aussi participer aux rituels des repas en commun. Or il ne pourrait jamais partager un dîner avec Emma, ils ne boiraient jamais une bonne bouteille ensemble. Que ferait-elle, lors des réceptions données par le clan… ?
Il interrompit aussitôt le cours de ses pensées. Que lui arrivait-il ? Jamais il n’insulterait les siens en invitant une vampire à leurs réunions !
Elle accueillit avec une expression polie le garçon qui venait leur servir de l’eau.
La tête inclinée vers la table, comme si elle se demandait de quelle manière utiliser son verre, elle finit par exhaler un long soupir las.
— Je ne comprends pas pourquoi tu es toujours tellement fatiguée… ?
— Je ne comprends pas pourquoi vous posez toujours tellement de questions… ?
Tiens, tiens, elle se montrait plus courageuse en public. S’imaginait-elle que des humains pouvaient empêcher un Lycae de faire ce qu’il voulait ?
— Tu t’es nourrie pas plus tard que lundi, tu n’as pas été blessée récemment… j’aurais vu les cicatrices. Alors, de quoi souffres-tu ?
— Encore une question…
Elle tambourinait sur la table avec les ongles.
Sa réponse ne parvint cependant à Lachlain que de très loin, car une pensée venait de le frapper, si détestable qu’il chercha à la repousser. Les yeux clos, les dents serrées, secouant la tête sous le choc.
Mon Dieu, pourvu que ce ne soit pas ça ! Si elle attendait un enfant… Non, ce n’était pas possible. Il avait entendu dire que les femelles de la Horde étaient stériles, il s’en souvenait parfaitement. Bien sûr, il avait aussi entendu dire qu’il n’en existait plus une seule au monde… et Emma était là, devant lui.
Si elle était enceinte, il se retrouverait obligé de protéger non pas un mais deux vampires, sous son propre toit, engeance logée parmi les siens. Sans oublier qu’une sangsue quelconque chercherait forcément à récupérer sa progéniture.
— Dis-moi, tu at…
Le serveur apparut à cet instant précis. Lachlain donna ses ordres à toute allure, sans avoir jeté un coup d’œil au menu, qu’il fourra dans les mains de l’homme en le renvoyant.
— Je n’arrive pas à croire que vous m’avez commandé à manger ! s’exclama Emma.
Il écarta la protestation d’un geste négligent.
— Tu attends un enfant, c’est ça ?
Elle se raidit quand le garçon réapparut pour lui resservir de l’eau.
— Vous avez interverti nos verres ? chuchota-t-elle dès que celui-ci eut de nouveau tourné les talons. C’est dingue, je ne m’en suis même pas rendu compte !
— Je ferai pareil avec nos assiettes, mais…
— Alors, je n’ai pas besoin de manger ? Super, gavez-vous au maximum à ma place, d’accord ? Parce que j’ai vraiment faim, maintenant…
— Est-ce que tu es enceinte ?
Elle inspira brusquement, comme si la question la scandalisait, avant de débiter d’une traite :
— Non, je n’ai même pas… euh, je n’ai pas de copain.
— De copain ? Tu veux dire, d’amant ?
Elle rougit.
— Il n’est pas question que je vous parle de ma vie sentimentale.
Un soulagement intense envahit Lachlain.
— Donc tu n’en as pas.
Elle laissa échapper un petit grognement de frustration qu’il trouva très satisfaisant – d’autant qu’aucune contradiction ne suivit. Pas d’amant, pas de bébé vampire. Juste elle et lui. De toute manière, quand il la prendrait, il se montrerait si ardent, pendant si longtemps, qu’elle serait bien incapable de se rappeler ceux qui l’avaient précédé.
— Il me semble que je viens de refuser de vous en parler, non ? Vous avez vraiment le don de fermer les oreilles à ce que je vous demande…
Elle ajouta dans un marmonnement, presque pour elle-même :
— Il y a des moments où j’ai carrément l’impression de ne pas exister.
— N’empêche que tu as envie de prendre un amant, hein ? Ton joli petit corps est prêt à en accueillir un.
Ses lèvres s’écartèrent, mais elle était si gênée qu’il n’en sortit pas un son.
— Vous ne racontez ce genre d’horreurs que pour me choquer, riposta-t-elle lorsque enfin elle retrouva sa voix. Ça vous plaît, hein ?
Son regard soupesait littéralement Lachlain. Sans doute prenait-elle mentalement note de toutes les fois où il l’avait choquée.
— Je pourrais te satisfaire.
À l’abri de la table, il glissa la main sous la jupe de sa compagne pour lui toucher l’intérieur de la cuisse. Elle sursauta violemment sur sa chaise. Il ne pouvait pas s’empêcher de trouver ça drôle : elle était si facile à prendre par surprise et à embarrasser, alors que la plupart des immortels se montraient tellement blasés. Sans doute avait-elle raison : il aimait bien la choquer.
— Retirez votre main de là, ordonna-t-elle entre ses dents.
Quand il monta vers le haut de sa cuisse en frottant du pouce sa peau soyeuse, une vague brûlante traversa Lachlain de part en part. Son sexe durcit, pour la centième fois de la nuit au moins. Emma fouilla la salle du regard.
— Est-ce que tu as envie d’un amant, oui ou non ? Tu es incapable de mentir, je le sais. Alors, si tu me dis que tu n’en as pas envie, j’enlève ma main.
— Arrêtez…
Elle s’empourprait littéralement. Une immortelle qui rougissait à tout bout de champ. Incroyable !
— As-tu envie de mettre un homme dans ton lit ? murmura-t-il.
Sa main montait toujours, jusqu’à rencontrer la soie des dessous.
Il exhala un soupir sifflant.
— Bon ! lâcha sa compagne d’une voix étranglée. Je vais vous dire. J’en ai envie, oui. Mais ce ne sera pas vous.
— Ah bon ? Pourquoi ça ?
— Je… j’ai entendu parler de votre espèce. Je sais comment vous faites. Vous perdez l’esprit, vous devenez de vraies bêtes, vous griffez, vous mordez…
— Et alors ? Quel mal y a-t-il à ça ? (Seul un petit grognement de frustration répondit à Lachlain.) De toute manière, ce sont les femelles qui griffent et qui mordent le plus. Tu devrais le savoir, vampire.
À cette réplique, les traits d’Emma se figèrent.
— Je n’ouvrirai mon lit qu’à un homme qui m’acceptera telle que je suis et ne prendra pas l’air dégoûté à cause de la manière dont je me nourris, par la force des choses. Un homme qui se donnera du mal pour me mettre à l’aise et faire mon bonheur. En tant que prétendant, vous êtes disqualifié depuis la première nuit.
Elle ne comprenait pas, songea-t-il en retirant lentement sa main. Le destin avait choisi pour eux. Ils étaient liés. Il n’y aurait plus jamais d’autres « prétendants », ni pour elle ni pour lui.
Lachlain arrêta de la tripoter sous la table, on les servit, puis il entama un long rendez-vous amoureux, très sensuel, avec sa nourriture. Chaque bouchée lui apportait visiblement un tel plaisir qu’il donnait presque envie de manger à Emma, laquelle se contentait de faire semblant.
Finalement, elle dut admettre que ce dîner, avec assiettes mobiles et débris volants – elle ne savait pas se servir de ses couverts – n’était pas désagréable.
Lorsque le serveur eut débarrassé la table, la cliente installée dans le box voisin se leva, après manger. Les humaines faisaient cela. Le repas terminé, elles prenaient leur sac à main sur leurs genoux, le caressaient un instant puis allaient aux toilettes se remettre du rouge à lèvres et vérifier leur dentition. Du moment qu’Emma jouait la comédie…
Elle n’avait malheureusement plus de sac à main, puisque le sien avait été réduit à l’état de serpillière quand le Lycae l’avait jetée dans la boue. Malgré cette pensée contrariante, elle se prépara à se lever en annonçant :
— Je vais aux toilettes.
— Non.
Il l’attrapa par les jambes ; elle rua sous la table.
— Pardon ?
— Pourquoi ferais-tu une chose pareille ? Tu n’as pas ce genre de besoins.
— V… vous n’en savez rien ! s’exclama-t-elle, bégayant d’embarras. Et je veillerai à ce que ça continue.
Il se radossa, les mains croisées derrière la tête, l’air serein, comme s’ils ne discutaient pas de quelque chose d’extrêmement personnel.
— Tu as ce genre de besoins, oui ou non ?
Emma avait les joues en feu. La réponse était négative… pour tous les vampires, autant qu’elle le sache. Et pour les Valkyries, puisqu’elles ne mangeaient pas.
— Tu rougis, observa son interlocuteur. Je sais ce que je voulais savoir : c’est non.
Il n’éprouvait donc jamais la moindre gêne ? Le fait qu’il soit passé en mode analytique inquiéta Emma : il lui semblait être un insecte épinglé sous la lentille d’un microscope.
— Je suppose que tu présentes d’autres différences avec les humaines… Tes larmes sont roses, ça, je le sais. Tu transpires ?
Évidemment qu’elle transpirait.
— Pas plus d’une heure et demie par semaine, suivant les recommandations de la faculté.
Génial, il n’avait pas compris… Mais sa perplexité ne dura pas.
— Ta sueur aussi est rose ?
— Non ! Mes larmes constituent une anomalie, compris ? Pour le reste… les choses dont vous parlez avec votre sans-gêne habituel… je suis comme toutes les autres femmes.
— Certainement pas. J’ai regardé des publicités à la télé. Dans la journée, elles ne parlent que de femmes. Tu ne te rases pas, mais tu n’as pas de poils aux endroits où elles en ont. Et puis j’ai fouillé tes affaires, je sais que tu n’as pas non plus de tampons.
Les yeux d’Emma s’écarquillèrent. Elle se raidit, prête à bondir du box, mais il tendit la jambe pour laisser tomber sa lourde botte à côté d’elle afin de l’emprisonner.
— J’avais entendu dire que les vampires femelles devenaient peu à peu stériles. Or vos mâles sont parfaitement fidèles, une fois qu’ils ont trouvé leur fiancée. Du coup, votre espèce ne se multipliait plus. J’imagine que c’est ce qui a convaincu Demestriu d’éliminer toutes les femelles de la Horde. Je me trompe ?
Emma n’était au courant de rien. Les yeux baissés, elle regardait la table, qui semblait se balancer sur des flots invisibles. Le serveur avait fait une courageuse tentative de nettoyage, mais il restait devant elle des tas de débris. Des débris d’elle. Du monstre. Elle n’était pas seulement incapable de se servir de ses couverts, mais aussi d’avoir des enfants.
Si elle n’avait jamais eu de cycle menstruel, c’était le signe de sa stérilité, ni plus ni moins.
— Je me trompe ? insista Lachlain.
— Qui sait à quoi pensait Demestriu ? murmura-t-elle.
— Tu vois bien que tu n’es pas comme toutes les autres, conclut-il d’un ton moins dur.
— Peut-être pas. (Elle se redressa, le dos très droit.) N’empêche que je veux jeter un œil à mes cheveux. Je vais donc aux toilettes.
— Reviens dès que tu as fini.
C’était un ordre, littéralement craché.
Elle eut l’audace de lancer un regard noir à son interlocuteur avant de s’éloigner.
Le restaurant et le bar faisant toilettes communes, Emma dut contourner en chemin les hommes qui traînaient dans les parages. On aurait dit un labyrinthe de jeu vidéo peuplé d’adversaires – tous des vampires potentiels –, mais elle était prête à prendre des risques pour échapper un instant au garou.
À l’abri des toilettes des dames, elle se lava les mains dans un des lavabos alignés le long du mur. Le reflet que lui renvoya le miroir la surprit désagréablement : une frêle blonde livide, aux pommettes trop saillantes. Elle avait perdu du poids en quelques jours, car elle était tout simplement trop jeune et trop fragile pour ne pas subir aussitôt les conséquences du manque de sang. Seigneur…
Emma avait toujours eu conscience de sa faiblesse. Elle s’y était résignée. Y compris à son incapacité à se défendre en maniant une arme. C’était tout juste si elle parvenait à soulever une épée, ses talents d’archer prêtaient à rire – la preuve : tout le monde riait à gorge déployée lorsqu’elle s’entraînait. Quant à ses prouesses au combat… disons qu’on ne risquait pas de la prendre pour une super-héroïne.
N’empêche. Elle ignorait qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant…
Quand elle regagna le box, Lachlain se leva pour l’aider à se rasseoir. Elle remarqua alors qu’en son absence, il avait plongé les griffes dans le plateau de la table. Rien de comparable avec ce qu’il avait fait à l’hôtel : juste cinq estafilades profondes.
Il se laissa retomber sur sa chaise, les sourcils froncés, visiblement plongé dans de profondes réflexions, puis ouvrit la bouche… avant de se raviser.
Comme elle ne quittait pas les griffures des yeux, il posa la main dessus. Apparemment, il n’aimait pas qu’elle les regarde.
Emma se demanda ce qui avait bien pu se passer en son absence pour le pousser à abîmer la table de cette manière. Peut-être avait-il remarqué la gamine, là, au corsage transparent et aux mamelons percés. La bête s’était réveillée…
Mais peut-être aussi regrettait-il de lui avoir posé, à elle, des questions humiliantes. Au point de griffer sans même en avoir conscience ce qui se trouvait sous sa main… Elle secoua la tête.
Il ne regrettait certainement pas de l’avoir humiliée… Non, visiblement, il adorait cela.
— Bon, lança Annika, récapitulons. Que savons-nous exactement ?
Lorsqu’elle inspira à fond, ses côtes abîmées se rappelèrent à son souvenir. Elle fit la grimace en englobant d’un coup d’œil les Valkyries qui l’entouraient. Lucia, Regina, Kaderin et quelques autres attendaient l’heure de l’action ; les ordres qu’elle devrait donner.
Nïx brillait par son absence. Sans doute était-elle une fois de plus en train de traîner dans la propriété du voisin. Regina s’escrimait sur l’ordinateur pour accéder aux données relatives à la maisonnée, mais aussi faire des recherches sur Ivo et autres vampires associés. Son visage radieux éclairait l’écran davantage que l’inverse.
— Mmm… On n’a que deux petites certitudes de rien du tout, annonça-t-elle. Ivo le Cruel est à la recherche de quelqu’un qui se cache chez les Valkyries. Ou, plutôt, de quelqu’une. Quoi qu’il en soit, il ne l’a toujours pas trouvée, puisque les bagarres se multiplient. Nos sœurs de Nouvelle-Zélande nous écrivent qu’elles ont des vampires « jusque sous les lits ». Vous imaginez ? Franchement…
Annika ne prêta aucune attention aux derniers mots. Elle en voulait toujours à Regina d’avoir donné sa bénédiction à Emma. C’était la faute de la Radieuse si la petite parcourait en ce moment l’Europe en compagnie de… comment Regina avait-elle formulé la chose ? d’un beau mâle. Puis, cerise sur le gâteau, elle avait accusé la chef de maisonnée de « couver » Emma. En réalité, Annika n’aurait certainement pas empêché sa pupille d’entretenir une relation avec un homme, mais la puce était tellement jeune… Et puis personne ne savait rien de ce type, sauf qu’il était soi-disant assez fort pour battre un vampire.
Annika se secoua en son for intérieur, décidée à se concentrer sur la discussion.
— Il faut savoir ce que mijote Ivo.
— Il n’y a pas cinq ans que Myst s’est échappée de son cachot. Il veut peut-être la récupérer, intervint Kaderin.
— Tu crois qu’il remuerait ciel et terre pour la capturer une seconde fois ? répliqua Annika.
Myst la Convoitée, la plus belle des Valkyries, était tombée entre les mains d’Ivo, mais elle avait réussi à s’échapper quand les vampires rebelles avaient pris le château où elle était emprisonnée. Rien que d’y penser, Annika enrageait, car Myst et Wroth, un des généraux rebelles, avaient eu des relations intimes.
Deux jours plus tôt, Annika s’imaginait encore que sa sœur avait tourné la page en ce qui concernait ce… ce type et les choses répugnantes auxquelles il l’avait contrainte, mais les occupantes du manoir avaient parfaitement entendu le pouls de Myst s’accélérer à la seule mention d’une présence vampirique dans le Nouveau Monde. Elle avait coiffé et recoiffé sa chevelure de flamme, avant de se joindre à un groupe qui partait les traquer.
Non, Myst en était restée au général. Ivo s’était-il découvert incapable d’oublier sa belle captive ?
— Peut-être aussi qu’il cherche Emma, suggéra Regina.
Annika lui jeta un regard aigu.
— Il ne sait même pas qu’elle existe.
— En principe.
Elle se massa le front.
— Où est passée Nïx, bordel ? (L’heure n’était pas aux conjectures. Elles avaient besoin de prédictions fiables.) Retourne voir ce qu’il en est de la carte de crédit d’Emma. Elle a fait d’autres achats ?
Regina se lança dans l’exploration des comptes correspondant aux cartes de la maisonnée. Quelques minutes plus tard, les renseignements relatifs à celui d’Emma apparaissaient à l’écran.
— Les données ne sont visibles qu’au bout de vingt-quatre heures. Il y a eu quelques achats… des fringues… Ça m’étonnerait quelle ait des ennuis, si elle s’offre des fringues… Et une note de restaurant du Crillon. Le fauché a intérêt à la rembourser.
— Pourquoi Ivo s’intéresserait-il à Emma, de toute manière ? interrogea Lucia. (Comme toujours quand elle réfléchissait, elle pinça la corde de son arc.) C’est peut-être la dernière des vampires de son sexe, mais elle n’est pas de race pure.
— Il me semblerait plus logique qu’il en ait après Myst, renchérit Kaderin.
Annika était d’accord. Vu la beauté effarante de Myst, Ivo ne pouvait que chercher à la récupérer.
— Il ne faut pas oublier qu’en plus, elle n’est pas rentrée de la traque et elle n’a pas appelé, ajouta Kaderin.
L’affaire était donc entendue. Pour l’instant.
— Essaie de suivre les déplacements d’Emma, Regina. Nous, on va se lancer à la recherche de Myst, conclut Annika.
La Radieuse parcourut du regard le champ de ruines environnant.
— Tu veux que je renouvelle le sortilège, avec les sorciers ?
— Il n’existe pas de protection magique à toute épreuve, on le sait pertinemment. La seule garde infranchissable… (Annika poussa un soupir las.)… c’est l’Antique Fléau. On va y faire appel, tant pis.
Il allait donc falloir payer aux spectres le prix qu’ils exigeaient.
— Et merde, soupira Regina. Je commençais à m’habituer aux cheveux longs…